La permaculture : de la technique de jardinage au mode de vie

La permaculture, tout le monde en a entendu parler, mais quand il s’agit de la définir ça devient vite compliqué et source de discorde. Notre point de vue est que plusieurs approches cohabitent et qu’au-delà de la théorie chacun l’appréhende selon son propre contexte. Lançons-nous dans un tour d’horizon de la permaculture, de la technique de jardinage au mode de vie !

Une technique de jardinage

Pour certains, la permaculture s’apparente à une technique de jardinage biologique, souvent sur butte ou sans travail du sol. C’est un début, mais il s’agit là d’une vision à la fois partielle et un peu biaisée de la permaculture. Cette approche, plus tendance qu’académique, a le mérite de démocratiser le jardinage biologique et d’inciter les jardiniers à se remettre en question sur leurs pratiques. Elle démocratise notamment les principes de respect du vivant et d’aggradation. En revanche, elle véhicule quelques clichés réducteurs et des méthodes peu efficientes qui peuvent nuire à la crédibilité de la permaculture.

Une forme d’agriculture

Pour être un peu plus précis, on pourrait la définir comme une forme d’agriculture permanente, inspirée de la nature, permettant de concevoir et d’exploiter des systèmes agricoles productifs et résilients.

Cette première définition mérite quelques explications. Par agriculture permanente, on entend l’exploitation de végétaux qui vivent plusieurs années, tel les arbres et arbustes fruitiers ainsi que les plantes et légumes vivaces, à l’opposé des cultures de plantes annuelles (telles que les grandes exploitations céréalières). Inspirée de la nature, signifie qu’on cherche à reproduire des caractéristiques naturelles des écosystèmes telles que la biodiversité et une structure étagée. L’objectif est d’obtenir un système agricole, un ensemble de moyens et d’activités produisant de la nourriture voire des matières premières, avec les mêmes propriétés que la nature. A savoir être productif, c’est à dire produire beaucoup sur peu de surface ; résilient, donc faisant face aux aléas tels que les maladies, les nuisibles, la météo ; et améliorant au fil du temps la fertilité de l’écosystème selon le principe de l’aggradation.

Enfin, ce n’est pas seulement une technique agricole, mais plutôt une méthode permettant de concevoir et d’exploiter des systèmes agricoles tels que nous venons de les décrire. Ainsi, la permaculture n’est pas un ensemble de techniques de jardinage mais plutôt une manière d’élaborer, de réaliser et d’exploiter son jardin ou son système agricole.

Une méthode de conception

Nous avons vu que la permaculture est une approche de l’agriculture particulière qui tend à créer des écosystèmes cultivés. C’est aussi une manière de penser et une boîte à outils qui permettent de faciliter la mise en place de ces systèmes agricoles lors d’un processus créatif appelé design dans le jargon permacole.

La pensée est structurée par deux visions complémentaires :  systémique et holistique. Cette approche sera détaillée dans un autre article. D’une manière générale, l’approche systémique nous permet de délimiter notre système et de le décomposer en éléments interconnectés entre eux et portant plusieurs fonctions. Quant à l’approche holistique, liée à celle systémique, elle permet de reconsidérer son système individuel à d’autres échelles, en le sachant indissociable aussi bien de l’écosystème local que global. Ainsi, les solutions doivent être globales plutôt que fragmentaires et pensées à long terme plutôt qu’à court terme.

La boîte à outils peut contenir à la fois des méthodes de conception globales telles que OBREDIM (qui se basent principalement sur l’observation et la mise en valeur des effets de bordures et des ressources), le zonage ou la réutilisation de motifs, ainsi que des méthodes de gestion de projet telles que SMART ou les méthodes agiles. Mais c’est aussi la mise en oeuvre de pratiques plus localisées, souvent reprises ou inspirées des méthodes antérieures à l’agriculture dite conventionnelle, qui font la part belle à la tradition. Il peut s’agir aussi bien de techniques agricoles que de semences anciennes ou d’espèces animales locales.

Nous en arrivons à la définition Wikipedia : « La permaculture est une méthode systémique et globale qui vise à concevoir des systèmes (par exemple des habitats humains et des systèmes agricoles, mais cela peut être appliqué à n’importe quel système) en s’inspirant de l’écologie naturelle (biomimétisme ou écomimétisme) et de la tradition. »

Cette définition, dans son sens le plus large, doit cependant être prise avec des pincettes afin de ne pas tomber dans les travers que résume l’expression « Quand on a un marteau, tous les problèmes deviennent des clous ». Car bien que la permaculture puisse s’affranchir de l’agriculture, cette dernière fait partie de ses fondements. Or, en la déconnectant de ses bases, la permaculture risque de s’orienter vers des analyses sinueuses et conduire à des solutions mal adaptées.

Cependant, la prise de recule de cette définition permet d’affirmer que la permaculture est un paradigme pour la création d’écosystèmes habités, avec un champ d’application allant bien au-delà de l’agronomie et incluant le lieu de vie.

Une philosophie

L’éthique de la permaculture est axée autour de trois principes éthiques fondamentaux qu’on retrouve dans la plupart des sociétés traditionnelles : prendre soin de la Terre, prendre soin de l’humain, et partager équitablement.

Le principe même de prendre soin de la terre, au sens littéral, a été inspiré par Masanobu Fukuoka. Dans son livre La Révolution d’un seul brin de paille, où il raconte et théorise son expérience en agriculture naturelle. On y apprend notamment que, respectant le principe du non-agir taoïste, il enveloppe ses graines de riz avec de l’argile pour les semer ensuite à la volée sur le sol, sans le retourner, ni le travailler. Ou encore que, cherchant à travailler avec et non contre la nature, il s’adapte et se fie à elle pour améliorer sa productivité.

D’un point de vue plus global, en prenant soin de la Terre, la Permaculture permet de remettre l’homme de sciences et l’homo economicus à leur place au sein de la nature, un peu comme Copernic et Newton contribuèrent à remplacer le géocentrisme, tout en donnant un cadre théorique et pratique pour s’y atteler.

En plus du premier principe centré sur la nature, la permaculture a évolué vers la permaculture humaine avec les principes de prendre soin de l’humain et partager équitablement qui sont proches des piliers du développement durable. A ceci près qu’ils semblent plus fondamentaux que ce dernier, peut-être car ils sont liés entre eux par la vision systémique du monde du premier principe, ce qui ne permet pas de rendre durable le non-soutenable…

En plus de ces principes éthiques, la permaculture propose des principes fonctionnels à la fois simples et puissants. Bill Mollison et David Holmgren les présentes différemment mais ils décrivent une même approche de la création d’écosystèmes.

Par exemple, le problème est la solution nous invite à reconsidérer totalement notre approche d’un élément a priori négatif d’un système pour le valoriser en tant qu’élément positif. En général, quand la solution pour faire contre semble compliquée, il existe une solution moins complexe pour faire avec. C’est une invitation à aborder les problématiques en dehors du cadre habituel pour trouver des solutions créatives.

D’autres principes nous invitent à questionner nos réflexions afin de les rendre plus résilientes (chaque élément remplit plusieurs fonctions ; chaque fonction est assurée par plusieurs éléments…), plus efficientes (prévoir l’efficacité énergétique ; penser l’emplacement des éléments…), plus naturelle (travailler avec la nature, et non contre elle ; tout jardine).

L’ensemble de ces principes sont à la base de cette philosophie qui est elle-même le socle de la conception permaculturelle.

Un paradigme

Nous avons vu que la permaculture a une approche systémique de la conception. Cette manière d’aborder les problématiques et d’élaborer des solutions est très structurante pour la réflexion. C’est une démarche de résolution de problèmes dont les solutions sont induites par l’observation et validées localement par empirisme.

Elle propose aussi sa propre vision du monde par son éthique et sa philosophie qui guident le permaculteur dans le choix des solutions en favorisant certaines approches, tout en limitant le choix des possibles.

Ainsi, le consensus qui se dégage entre la démarche scientifique, la philosophie, les croyances, les valeurs et les techniques peut être nommé paradigme. Cette vision du monde cohérente peut être opposée au paradigme dominant de la science réductionniste et challenger celui de la société thermo-industrielle.

Par exemple, en observant les pratiques agricoles à travers le prisme de ce paradigme, il devient illusoire de penser qu’il y a une technique universelle pour l’agriculture régénérative. Les méthodes agricoles doivent prendre en compte les spécificités liées au (micro-)climat, à la structure du sol, à la topographie, aux écosystèmes, aux ressources, aux hommes, etc. Chaque terroir voire chaque localité est ainsi spécifique. Il faut donc trouver des méthodes qui sont adaptées localement pour alimenter la réflexion sur des terrains semblables.

En mêlant approche systémique, observation et induction, biomimétisme, développement durable, conception agricole, conception bioclimatique, valeurs et éthiques, la permaculture peut être envisagée comme un paradigme permettant de développer localement des méthodes écologiques, résilientes et productives pour la création d’écosystèmes respectueux du vivant et adaptés aux cadres de vie humain.

Un projet de société

La permaculture est au coeur du mouvement de villes en transition.

La transition en question est le passage d’un mode de vie dépendant du pétrole et des autres ressources non renouvelables, à une résilience locale prenant en compte le changement climatique. Les citoyens sont invités à agir dans leur commune ou leur quartier pour réduire la consommation d’énergies fossiles, reconstruire une économie locale vigoureuse et soutenable, et acquérir et transmettre les qualifications qui deviendront nécessaires dans l’avenir.

Ainsi, la transition est un mouvement socio-économico-politique dont la permaculture joue un rôle central tant sur le plan philosophique que sur l’approche pour mettre en pratique cette vision globale. Pour y parvenir, alors que les mouvances écologistes majoritaires sont plus axés sur la sensibilisation et la protestation contre le paradigme thermo-industriel, la transition promeut un changement de paradigme au profit de la permaculture.

Qu’elle soit perçue comme une technique de jardinage, une forme d’agriculture, une méthode de conception, un paradigme, une philosophie ou un projet de société, la permaculture peut être une source d’inspiration et un formidable outil pour vos projets. Et vous, quelle est votre vision de la permaculture ?

Les buttes de permaculture

Quand on discute de permaculture, les fameuses buttes ne tardent jamais à pointer leur nez. En France, la butte de permaculture s’est ainsi érigée en dogme, à tel point qu’elle concentre les intérêts et les interrogations des profanes. Cette fameuse butte, productive à souhait, est devenue un signe de reconnaissance voire un symbole d’appartenance à la tribu permacole. Elle en devient même l’élément central au point de voir parfois la permaculture définie comme étant une technique de culture sur butte…

Pourquoi faire une butte ?

Mais avant de se lancer dans une telle entreprise, il est judicieux de se demander pourquoi faire une butte ? Créer une butte est une dépense d’énergie et de matière organique importante. Si vous débutez dans la culture potagère, il est probablement préférable de commencer avec un potager biologique classique avant de se lancer dans de grands aménagements qui peuvent être à la fois décourageant et parfaitement inutiles voire contre-productifs.

De manière général, les buttes sont plutôt destinées aux régions arides où le sol est trop pauvre pour être cultivé ou, à l’inverse, aux zones trop humides.

Les buttes : un amoncellement d’idées reçues

Mais qu’est-ce que cette soit-disante butte de permaculture dont on entend autant parler ? Peut-être est-ce la technique de lasagne dont parle Bill Mollison dans son livre Permaculture 2 et qui consiste en une alternance de couches azotées et carbonées. Ou plutôt ces élégants schémas en coupe qu’on trouve à profusion sur Internet avec de grandes quantités de bois au centre (Butte-sandwich, forestière, Hugelkultur…). Ce qui est sûr, c’est qu’elles véhiculent des idées reçues.

Idée reçue #1 : économiser de l’eau

D’après leurs promoteurs, ces buttes permettent de limiter l’évaporation de l’eau et donc de presque supprimer l’arrosage. En réalité c’est plutôt l’inverse. La surface d’une butte étant plus importante (à cause de l’effet bombé) et plus exposée au vent que la surface du sol, cela a pour effet d’augmenter l’évaporation de l’eau. Et comme elle est constituée de deux versants, le ruissellement est aussi amplifié en comparaison d’un sol horizontal. Au final, la butte est donc plus sèche. C’est d’ailleurs une des raisons d’être de la culture sur butte, pouvoir cultiver en zone humide en élevant les cultures. Enfin, l’argument de l’arrosage mérite d’être remis en perspective. Un potager avec un sol bien meuble et couvert peut tout aussi bien, sinon mieux, rester frais tout l’été.

Il y a quand même une exception, dans les régions sèches avec un sol très pauvre et drainant, enfouir du bois décomposé, c’est-à-dire dont la lignine a été consommée par les champignons et dont il ne reste que la cellulose, peut aider à réguler l’humidité car la cellulose va agir comme une sorte d’éponge. Mais ces caractéristiques sont très peu répandues en France.

Idée reçue #2 : améliorer la fertilité

Le premier avantage recherché est d’avoir une butte hyper-productive. Mais les mauvaises surprises peuvent être de mises. En effet, les risques de contre-productivité sont réels. La faim d’azote, qui résulte d’un déséquilibre du rapport carbone/azote lorsque les résidus de bois sont en trop grande proportion, altère fortement la croissance des plantes. La décomposition anaérobie, qui se produit quand la matière organique est enfouie trop profondément dans le sol, produit des composés toxiques pour les plantes tel que le méthane. Au contraire, l’humus, principale nourriture des plantes, se forme par décomposition aérobie à la surface du sol.

Idée reçue #3 : augmenter la surface cultivable

La surface d’une butte est légèrement plus importante que son emprise au sol. Nous avons déjà soulevé cet argument à propos de l’évaporation. Mais cette surface supplémentaire est minime. Le seul moyen vraiment valable d’augmenter la surface de culture est de pratiquer la culture étagée.

Idée reçue #4 : ne plus se baisser

Un autre argument régulièrement avancé est que les buttes évitent d’avoir à se baisser. Si c’était le cas, elles devraient être très hautes donc fortement pentues et donc soumises à l’érosion. De plus, les buttes vont rapidement se tasser et le compostage des lasagnes leur fera perdre facilement les 2/3 de leur volume. Si vous avez de réels problèmes pour vous baisser, préférer la culture sur table à celle sur butte.

Commencez par observer

En conclusion, la permaculture est avant tout une démarche permettant de créer un système agricole productif en s’inspirant de la nature. Et dans la nature, la matière organique tombe et recouvre le sol, elle ne se retrouve pas enfouie. Alors ne gaspillez pas votre énergie, ni la matière organique dont vous disposez. A moins de vraiment savoir ce qu’on fait, il est préférable de ne pas enterrer de bois, ni de matière organique en général. Et si vous avez du temps à consacrer à votre jardin, commencez par bien l’observer pour apprendre à le connaitre avant d’entreprendre la réalisation de buttes.

L’habitat durable doit-il être connecté ?

Cette question, qui admet souvent des réponses catégoriques et subjectives, ne laisse pas indifférent. Pour éviter tout manichéisme, il est donc nécessaire de contextualiser le projet d’habitat. Nous l’avons déjà abordé dans un précédent billet : il n’y a pas un habitat durable, mais des projets d’habitats durables, motivés par des volontés très différentes voire antagonistes.

Ainsi, la réponse sera adaptée au type d’habitat durable concerné. Les projets peuvent être principalement motivés par une faible empreinte écologique, par le principe de précaution pour les habitants, par la résilience ou optimisés pour le confort à moindre coût. À part dans le dernier cas, les objets électroniques et connectés seront limités voire totalement absents de ces projets. En effet, les objets connectés peuvent être considérés comme nocifs (ondes et composés chimiques), provenant d’une industrie polluante, énergivores et obsolescents.

Maintenant que nous avons pris les précautions suffisantes pour aborder sereinement les objets connectés, nous pouvons voir ce qu’ils peuvent apporter comme valeur dans un habitat durable, aussi bien dans le logement qu’à l’extérieur.

La domotique

A l’origine, la domotique avait pour objectifs de rendre le logement plus fonctionnel et confortable. Le terme est issu de la contraction des mots domus (la maison en latin) et de automatique/informatique. Ainsi, elle peut faciliter le quotidien en automatisant toute sorte de tâche et en remplaçant les actions mécaniques par des commandes tactiles ou vocales. De plus, avec ses capteurs, elle permet aussi à la maison de s’auto-réguler, notamment pour la température et la luminosité. Ces possibilités permettent aujourd’hui de facilement mettre en place des scénarios. Par exemple, les classiques volets, portes et portails à ouverture et fermeture automatiques, ou les plus actuels enchainements d’action déclenchés par un réveil ou une reconnaissance faciale.

Aujourd’hui, la tendance principale porte sur les économies d’énergie. En optimisant et en centralisant le contrôle du chauffage, de la lumière voire de l’eau, la domotique est un atout pour les habitations à énergie positive. C’est aussi un atout pour réguler les apports d’énergie solaire des conceptions bioclimatiques qui peuvent avoir une tendance à la surchauffe.

Enfin, la sécurité et la communication ne sont pas en reste. La détection d’intrus, de fumée, de mauvaise qualité de l’air ainsi que les notifications et le pilotage à distance via Internet font partie des fonctionnalités classiques de la domotique.

La permaculture connectée

La permaculture connectée, bien que relevant de l’oxymore pour certain, peut apporter des solutions, notamment dans le cas de grandes exploitations, de présences humaines à temps partiel ou d’agriculture urbaine.

Les stations météos connectées permettent de suivre au plus près les variations météorologiques de son terrain (température, vent, pluviométrie) et peuvent remonter des alertes en fonction de conditions programmées (seuil de température évidemment mais aussi des scénarios telle qu’une absence prolongée de pluie en présence de vent). Il est aussi facile de coupler ces alertes à un système d’arrosage automatisé par exemple.

Des installations plus spécifiques composées de sondes de température, d’humidité (air et sol) et de luminosité, couplées à des composants électriques et électrotechniques (électrovannes, pompes, moteurs) permettent de superviser et d’automatiser des installations requérant normalement une attention particulière. Ces solutions peuvent être adaptées à la culture sous châssis et sous serres mais aussi pour l’aquaponie.

L’utilisation des objets connectés a deux limites principales, l’emploi que vous souhaitez leur accorder dans votre projet et votre imagination. N’hésitez pas à partager avec nous votre vision de leur place dans l’habitat durable ou l’utilisation que vous en faites.

Qu’est-ce qu’un habitat durable ?

Ce billet, comme tout le blog de manière générale, n’a pas pour ambition de donner une définition de l’habitat durable universelle et partagée par tous mais de partager notre vision.

L’habitat

L’habitat regroupe le logement (maison, copropriété, longère avec ses dépendances, etc.), son environnement attenant (jardin, terres agricoles et forestières, etc.) et ses aménagements (potager, poulailler, forêt comestible, espace de loisir, etc.). C’est un espace qui regroupe les fonctions nécessaires au logement, voire au travail, et qui peut être appréhendé par la notion de systèmeL’habitat est donc très hétérogène et peut désigner plus ou moins spécifiquement une maison avec son jardin, une fermette, une exploitation maraîchère ou agricole, etc.

Le développement durable

Les trois piliers du développement durable sont l’environnement, l’économie et le social. Sa finalité est de trouver un équilibre à long terme entre ces trois enjeux. Une définition courante est « un développement qui satisfait les besoins des populations d’aujourd’hui sans compromettre la satisfaction des besoins des populations futures ».

Composantes du Développement durable
Les composantes du développement durable.

Bien qu’étroitement liés, la différence entre le développement durable et l’écologie est fondamentale. Tandis que le premier est un projet social, le second est une science nécessaire pour appréhender l’environnement, les êtres vivants et les interactions entre eux. Comme le schéma le met évidence, l’écologie est une composante du développement durable, au même titre que les sciences sociales et économiques, mais il n’y est pas réductible.

L’habitat durable

C’est une approche de l’habitat par la perspective du développement durable. Il s’inscrit dans une démarche soutenable, à la fois respectueuse de l’environnement et équitable. Ainsi, bien que proche du concept d’habitation écologique, il est à la fois plus large et moins spécifique.

Un habitat durable prend en compte les trois piliers du développement durable dès la conception d’un projet, aussi bien pour sa réalisation que pour son usage quotidien et sa maintenance. Chaque projet d’habitat durable peut ainsi être caractérisé par une pondération entre ses critères de viabilité, de vivabilité et d’équitabilité. De ce fait, il y a une multitude d’habitats durables qui sont le reflet d’autant de projets répondant aux besoins de leurs concepteurs.

D’un point de vue générale, il est cependant possible de les appréhender avec une base commune et de les décliner en fonction de leur(s) principale(s) motivation(s).

Les critères les plus partagés

L’habitat durable est respectueux de l’environnement car il diminue, de sa conception à son usage, son impact sur celui-ci. Pour ce faire, il prend en considération son impact énergétique (dont l’énergie grise), il favorise les matériaux et les ressources renouvelables, il tient compte de ses déchets (diminution, recyclage, compostage), de sa consommation d’eau, de son impact sur la faune et la flore.

Il a une dimension sociale. En effet, il répond au besoin fondamental de la sécurité du logement. De plus, en sa qualité de foyer, il est le lieu qui rassemble la famille ou les personnes y vivants ensembles. Il forme donc un groupe social primaire. Enfin, hébergeant au-moins un individu qui a des relations de voisinages, professionnelles ou de natures utilitaires avec d’autres personnes, il a un impact sur ces environnements sociaux. Un habitat durable tient donc compte de cette dimension afin de favoriser ces cohésions sociales.

Il a une dimension économique car il nécessite de mettre en oeuvre des ressources et des personnes pour sa construction et son usage. Il développe le tissu économique local en favorisant les produits et savoir-faire locaux, tout en préservant le patrimoine local. Il peut aussi intégrer le coût social et environnemental dans le prix des produits qu’il utilise et se les procurer par le commerce équitable. Enfin, il peut recourir à l’économie circulaire ou du partage.

Il tend vers la résilience en anticipant les changements climatiques et les modes de consommation voire les changements sociaux.

Il tend vers l’autonomie sur l’énergie, mais prend aussi en compte l’eau et l’alimentation.

En fonction de la tendance principale de l’habitat, donc de la motivation principale de ses concepteurs, nous pouvons établir une typologie d’habitat durable. L’objectif de cette approche un peu stéréotypée est, dans un premier temps, de disposer d’une modélisation qui nous permet d’aborder les projets de conception rapidement et avec méthode en faisant fi des détails. Cependant, il faut être conscient que les projets d’habitats durables sont à la fois un mélange de ces différents types et de leurs particularités individuelles.

L’habitat écologique

Il est avant tout respectueux de l’environnement. Il est principalement composé de matériaux et de ressources naturelles gérées, protégées voire restaurées tout en privilégiant les approvisionnements locaux. Il limite les matériaux transformés, notamment ceux nécessitant une grande quantité d’énergie grise pour leur production ainsi que les dérivés du pétrole. Aussi, il décline évidemment le jardin au naturel.

C’est aussi un habitat sain qui prend soin de diminuer les effets néfastes qu’il pourrait produire sur ses occupants. Il limite les sources de problèmes allergènes, cancérigènes et infectieuses tels que les composés volatils nocifs (organiques ou non), un mauvais renouvellement de l’air, une mauvaise hygrométrie. Il est aussi attentif aux effets des rayonnements en limitant l’exposition de ses habitants aux ondes électromagnétiques.

L’habitat résilient

La résilience est la capacité d’un système à maintenir son fonctionnement suite à une perturbation. Dans le cadre de l’habitat, c’est sa capacité à rester fonctionnel après un évènement indépendant de la volonté de ses occupants (phénomène météorologique ou climatique, crise économique, sociale, politique, pénurie, etc.).

Les fonctions à maintenir, qui doivent être identifiées au préalable, sont généralement l’approvisionnement en nourriture, en eau ou en électricité, l’éclairage, la température. Ces approvisionnements peuvent être dégradés ou équivalents, temporaires ou permanents. Tout dépend de l’investissement réalisé pour s’en prémunir. La démarche est identique à une politique de gestion des risques.

Ainsi, dans une maison principalement chauffée à l’électricité, un poêle avec une réserve de bois peut être suffisant pour maintenir la température sur une certaine période, tandis qu’une maison passive équipée d’un poêle à inertie et disposant d’une haie bocagère assurera le confort du logement sur le long terme. Il en va de même avec la nourriture. L’entretien d’un petit potager, la culture de quelques céréales ou la présence d’un poulailler, destinés dans un premier temps à agrémenter ou améliorer qualitativement les repas quotidiens peuvent aussi être salvateur à court terme en cas de manque. De plus, s’ils ont été pensés en conséquence, ils peuvent assurer une subsistance à moyen ou long terme en changeant d’échelle.

Ainsi, l’habitat résilient se doit d’avoir à la fois une capacité à palier un manque temporaire pour gérer une situation d’urgence et une capacité à couvrir, à moindre coût, ce manque sur du long terme. Si l’habitat le couvre de manière durable et de plusieurs manières, il n’est plus résilient mais autonome.

L’habitat autonome

Pendant très longtemps, l’habitat a été autonome. Ce n’est que récemment, avec le développement des réseaux d’eau, d’énergie, routier et la forte urbanisation qu’il s’est spécialisé pour ne remplir principalement que ses fonctions de logement et de confort.

Un habitat est littéralement autonome s’il ne dépend pas d’approvisionnement extérieur. Il peut être partiellement ou totalement autonome suivant qu’il dépende aucunement ou partiellement de ressources externes. Pour atteindre cet objectif, il faut mettre en place un équilibre entre la diversification des approvisionnements et les habitudes de consommation.

Ainsi, l’autonomie de l’habitat peut être réalisée à différent coût en fonction des variables d’ajustement choisies. Elle n’est certes pas compliquée à atteindre quand elle se fait au détriment du confort, mais elle ne l’est pas beaucoup plus quand elle est faite avec pragmatisme et en changeant quelques habitudes. En ce qui concerne l’énergie, diminuer son besoin de chauffage et minimiser l’utilisation d’appareils à énergie électrique ou fossile permet d’atteindre l’autonomie énergétique sans équipements faramineux. De même, les besoins en eau peuvent être restreints par quelques habitudes ainsi qu’en réutilisant les eaux grises et en évitant les eaux noires. L’autonomie alimentaire partielle est facilement atteignable. En ce qui concerne les équipements, il faut avoir la capacité de les réparer et proscrire les appareils obsolescents.

L’habitat autonome n’est pas une chimère mais c’est un projet qui nécessite de s’investir fortement. En revanche, avoir un habitat permettant une autonomie totale, sur tous les plans, n’est pas vraiment envisageable sans une dimension sociale.

L’habitat groupé

Pouvant aussi être désigné par cohabitat, communauté intentionnelle, habitat participatif, il met en avant le pilier social du développement durable. Il est constitué d’un ou de plusieurs bâtiments gérés collectivement, autour desquels peuvent graviter plusieurs logements individuels.

Ce sont les initiatives qui vont le plus loin dans la résilience et l’autonomie car elles permettent une mixité de profils et d’activités que ne permet pas l’habitat individuel. En fonction de leur taille et de leur localisation elles peuvent être appelées éco-lieu, éco-hameau, écovillage ou écoquartier.

L’habitat économique

L’habitat économique est une autre manière d’aborder l’habitat durable. Son objectif est de rendre l’habitat durable le plus accessible possible.

Les tiny houses ou micromaisons rentrent dans cette catégorie. En réduisant les dimensions de l’habitat, on réduit à la fois son impact sur l’environnement et son coût. C’est aussi le cas de l’habitat collectif qui permet de mutualiser les coûts entre les différents habitants. Enfin, le recours au réemploi via des matériaux recyclés ou d’occasion permet de diminuer les frais, tout en diminuant l’impact de l’habitat sur les ressources normalement nécessaires à la fabrication de ces matériaux auxquels ils se substituent.

L’habitat durable en permaculture

La permaculture permet avant tout de concevoir des systèmes, qui peuvent être un lieu, un habitat, une ferme ou autre chose, permettant une production agricole résiliente et durable, inspirés par la nature. C’est une philosophie dans laquelle tous les éléments sont liés, interagissent durablement entre eux et occupent plusieurs fonctions. Dans le cadre d’un projet d’habitat durable, l’élément principal est l’habitation autour de laquelle les autres éléments sont efficacement organisés par la notion de zoning.

La permaculture est ainsi une manière de penser l’habitat durable, proche de la nature et centré autour l’habitation. Nous abordons les différentes visions de la permaculture dans un autre article.

Habitat durable, BBC, maison passive, à énergie positive, bio-climatique…

Nous terminerons l’article par un point de désambiguïsation des termes couramment utilisés dans l’immobilier et la construction en rapport avec le développement durable.

Le concept de bâtiment basse consommation (BBC) et les maisons passives mettent l’accent sur les économies d’énergie et l’aspect thermique. Leurs deux caractéristiques principales sont l’isolation et l’étanchéité à l’air.

Les bâtiments à énergie positive doivent produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Cela est rendu possible par l’ajout d’équipements de production d’électricité en plus des caractéristiques de basse consommation.

Les maisons zéro-énergie sont équivalentes aux maisons autonomes. La différence est essentiellement marketing, la communication sur l’énergie prévalant sur le reste.

Les constructions bio-climatiques sont principalement orientées autour d’une architecture optimisée pour l’économie d’énergie. La disposition des pièces et l’orientation en sont les principes incontournables. Ainsi, dans les zones tempérées septentrionales la construction est typiquement orientée au sud pour maximiser les bénéfices de l’énergie solaire en hiver avec une casquette solaire (ou balcon, débord de toit) et une végétation caduque tandis que les pièces de services sont au nord pour faire tampon avec la façade la plus froide. A contrario, dans un climat chaud et aride, l’architecture sera déclinée pour se protéger de la chaleur. C’est le cas par exemple des maisons enterrées dans le sud de la Tunisie. D’autres caractéristiques architecturales moins spécifiques telles que les propriétés des matériaux ou l’utilisation d’un puit canadien (et provençal) sont rattachées à la partie « climatique ». En revanche, en ce qui concerne la partie « bio », les propositions varient fortement selon les constructeurs.

De manière générale, quelques enjeux commerciaux se cachent derrière ces façades honorables. Les labels et les attestations nécessitent au minimum un diagnostic thermique, le besoin de sur-isolé fait les choux gras des lobbies de matériaux, et de nombreux produits sont présentés comme indispensables alors que leur rentabilité est douteuse. Par exemple, pour les projets à énergie positive, il est nécessaire de bien distinguer la volonté de résilience de la motivation financière. En effet, il convient de rester très méfiant quant au retour sur investissement pour la production et la revente d’électricité par les particuliers en France.

L’habitat durable, bien que pouvant être catégorisé, est pluriel car il répond avant tout aux critères de ses concepteurs. Cet article a présenté notre vision dans ses grandes lignes. Et vous, quelle est la vôtre ?

De l’intérêt des matériaux écologiques pour se protéger des perturbateurs endocriniens

https://youtu.be/GbSJtiQt38s

Derrière le titre volontairement provocateur et pessimiste de ce reportage d’Arte (avec la participation de La Chaine Parlementaire) se cache une nouvelle enquête sur les perturbateurs endocriniens réalisée par Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade. Après leur reportage primé « Mâles en péril » qui dénonçait les effets des perturbateurs endocriniens sur la fertilité, ils réitèrent avec les impacts cérébraux, baisse de QI et trouble autistique à la clé.

Ce reportage cible principalement les perturbateurs thyroïdiens, mais il aide surtout à prendre conscience, en les expliquant simplement, des mécanismes de diffusion, de propagation et de contamination des perturbateurs endocriniens. Face à ce problème de santé publique, chacun se doit d’agir à son échelle, tant dans ses choix personnels que professionnels.

Ainsi, l’air intérieur étant abondamment pollué par les matériaux de construction et les produits de finition, les professionnels de la construction et de la rénovation doivent informer leurs clients. Ces derniers doivent pouvoir choisir en connaissance de cause les produits utilisés dans leur logement, surtout ceux présentant un risque. Ils peuvent ainsi les choisir avec minutie, les limiter voire les remplacer par des matériaux ou des produits écologiques.

La liste des produits problématiques utilisés dans la construction est longue : PVC, bois composite, enduits, colles, peintures, vernis, etc. Elle fera l’objet d’un prochain article. Et vous, comment avez-vous choisi vos matériaux pour vos travaux ?

Pourquoi ce blog ?

Régulièrement, lors de nos designs de terrains en permaculture, sur nos chantiers de rénovation ou simplement autour d’un verre, on nous fait remarquer que nombre de sujets que nous abordons ne trouvent pas assez d’écho auprès du grand public, qu’ils ne sont pas traités sous le bon angle ou pas suffisamment détaillés. Parfois, certaines de ces connaissances sont même monétisées sous forme de guide, brochure, livre ou autre format permettant rétribution !

Le partage des connaissances étant une des valeurs fondamentales de Logiscopia, nous avons décidé de nous engager dans un nouveau processus de diffusion de nos savoirs et de nos expériences sur Internet. Ce blog en est une composante mais notre ambition va au-delà de la prose. Nous travaillons en parallèle sur la formalisation et la modélisation de connaissances afin de publier prochainement des outils qui seront ouverts à tous.

Ainsi, l’objectif de ce blog n’est pas d’être un énième site sur la permaculture, mais plutôt un recueil d’articles sur les questions que nous sommes amenés à aborder, de manière pragmatique et adogmatique, lors de la mise en oeuvre de projets de constructions durables et de réalisations de designs. Ces réflexions pourront paraître évidentes pour certaines ou éloignées des préoccupations d’un projet d’habitation pour d’autres. D’après nous, elles permettent de démystifier la complexité d’un projet d’habitat durable, sans la dissimuler, et elles aideront quelques uns à entreprendre le leur. Pourquoi pas le vôtre ?

Bonne lecture !