Changement climatique, pics énergétiques, crises économiques, inégalités sociales, crises politiques, chute de la biodiversité… Le monde est entré dans une phase de bouleversements qui va profondément changer notre manière de produire, de consommer, de vivre. Bien malin celui qui prédira quand et comment ces changements impacteront significativement la planète et notre quotidien. Ce qui est certain, c’est que le monde tel que nous le connaissons en sortira transformé.
Le développement durable, dont la finalité est de trouver un équilibre à long terme entre l’environnement, l’économie et le social, n’est pas assez ambitieux pour remédier à ces changements puisqu’ils manifestent déjà leurs effets négatifs. Afin d’éviter que ces perturbations s’imposent encore plus à nous, une solution proactive est la transition écologique.
Le mouvement des villes en transition, lancé en 2006, a suscité l’intérêt au point que le concept de transition a été repris par les pouvoirs publics aux quatre coins du monde. Ce fut le cas en France suite au grenelle de l’environnement de 2012. Force est de constater l’inefficacité de sa mise en œuvre par le politique.
Les fondements du concept de transition de Rob Hopkins sont basés sur la permaculture. La démarche de transition a été élaborée grâce au paradigme permaculturel. C’est pour cette raison que la permaculture est au cœur du projet de ville en transition.
La permaculture est donc trop importante pour ne pas être traitée avec le sérieux et la capacité de diffusion du professionnalisme. Mais bien qu’elle bénéficie d’un engouement sans précédent, peu de personnes en vivent et encore moins de personnes intéressées par la démarche sautent le pas par manque de permaculteurs pour les accompagner. Seule une professionnalisation de la permaculture permettrait d’accompagner toutes les personnes soucieuses de s’inscrire dans une démarche de transition en donnant facilement accès à la permaculture aux non permaculteurs. Elle permettrait aussi de diversifier les sources de revenus des permaculteurs afin qu’ils puissent vivre de leur activité autrement que par la paysannerie ou la formation.
Mais l’organisation actuelle des permaculteurs n’est pas propice au développement de la permaculture car peu de permaculteurs sont investis professionnellement. Les besoins de valorisation et d’agradation des territoires d’une part, et les volontés individuelles d’autre part sont pourtant un terrain fertile au développement d’une véritable offre de services permacoles. Bien que la nécessité de la permaculture suffise à créer la demande, le manque de structure ne permet pas d’y répondre.
Une professionnalisation de la permaculture ne signifie pas une mise en opposition entre permaculteurs professionnels et amateurs. Il s’agit plutôt de faciliter une approche collective structurée et tournée vers la satisfaction des besoins des clients. La permaculture professionnelle doit être mise en perspective avec une pratique plus égocentrique de la permaculture, plutôt destinée à la satisfaction personnelle du permaculteur. Il est cependant important de souligner que cette approche personnelle égocentrée et non professionnelle de la permaculture participe tout de même consciemment à œuvrer pour le bien commun.
Par ailleurs, une reconnaissance du métier de permaculteur permet de donner un statut professionnel aux nombreux permaculteurs qui, dans un monde social manquant de considération pour les statuts militants, associatifs, passionnels et paysans, sont définis voire stigmatisés par leur absence de profession. Mais une pratique professionnelle de la permaculture n’est pas incompatible avec une pratique éthique, désintéressée et même gratuite. Chacun restant notamment libre de définir un temps pendant lequel il peut exercer cette activité de façon rémunératrice afin de subvenir à ses besoins et envies.
Lors de la rédaction de ce manifeste, un début de professionnalisation de la permaculture existe. Il concerne principalement les formateurs. Cependant, le système de certification n’est pas caractéristique d’une professionnalisation. En effet, un certificat n’est ni suffisant, ni nécessaire pour être un professionnel de la permaculture. C’est un élément témoignant de l’acquisition des connaissances fondamentales à la pratique de la permaculture. Il indique une volonté d’apprentissage et de reconnaissance. Mais il n’y a pas d’impératif de diplôme pour pratiquer la permaculture. L’obtention d’un certificat ne témoigne donc pas d’une pratique professionnelle de la permaculture.
Nous sommes persuadés qu’une structuration professionnelle de la permaculture est nécessaire. Notre conviction est qu’elle doit se faire au sein de l’économie sociale et solidaire (ESS) afin de préserver les principes et les valeurs permaculturelles.
La permaculture étant adogmatique du système économique au sein duquel elle est pratiquée, elle peut se fondre dans n’importe lequel. Mais dans un système capitaliste mondial financiarisé, les coopératives participatives sont le meilleur choix. Les Scop permettent d’intégrer l’activité dans un territoire. La prise en considération des actions locales, des spécificités du territoire ou du terroir, des particularités environnementales, géographiques, géologiques, climatiques, culturelles, architecturales et des savoir-faire locaux relèvent du principe de prendre soin de la terre. C’est aussi une implémentation de la démarche holistique en privilégiant les solutions localement adaptées.
Le capital humain étant au cœur des actifs des Scop avec l’écoute, l’égalité, et leur proximité avec le monde associatif, elles correspondent au principe de prendre soin de l’humain.
Enfin le sociétariat, par opposition avec l’actionnariat, permet de redistribuer le surplus financier parmi les sociétaires salariés de la Scop, en accord avec le principe de partager équitablement.
L’objectif de ces coopératives doit être de réaliser des projets permacoles sur-mesure, avec une approche structurée et de qualité, réunissant tout un panel de compétences avec un véritable engagement de moyen pour s’engager sur un résultat. Les projets en permaculture nécessitent une méthode de design et de réalisation itérative pour l’implantation successive des différentes strates, l’adaptation du système à son environnement et son extension. Il s’agit donc d’une démarche structurée sur le long terme qui implique un suivi régulier de chaque projet. Pour ce faire, une gouvernance itérative couplée à une méthode agile de gestion des projets doit être mise en place. Elle aboutira à une organisation souple du travail, privilégiant l’autonomie, pour aboutir à la création d’un système de coopératives permacoles répondant aux enjeux globaux, avec des solutions localement adaptées.
Alors qui sont les permaculteurs qui peuvent devenir des professionnels en prenant part à ces Scop ?
La priorité est d’avoir de la volonté, de comprendre et respecter les valeurs de la permaculture, et de posséder des compétences. Nous l’avons déjà dit, la certification témoigne certes d’un enseignement mais n’est pas un gage de compétences et peut être excluante. C’est la raison pour laquelle elle ne doit pas être promue comme un critère de sélection rédhibitoire mais plutôt comme une forme de reconnaissance d’un parcours permaculturel parmi d’autres. Une passion couplée à un projet personnel, une démarche de woofing, ou tout autres parcours formateurs par l’expérience permettent de développer les compétences nécessaires à une pratique professionnelle.
La diversité des profils est aussi très importante. Beaucoup de gens pratiquent la permaculture en autodidacte. Certains sans même savoir que leur démarche s’insère dans une approche permaculturelle. Un des grands principes de la permaculture est la diversité, alors pourquoi ne s’appliquerait-il pas aux permaculteurs eux-mêmes ? La pluralité des profils, des connaissances, des méthodes et des compétences permet la mise en place de solutions innovantes, adaptées, singulières et résilientes.
Enfin, ce qui distingue aussi un professionnel de celui qui ne l’est pas (encore) est la connaissance et la maîtrise de pratiques éprouvées. Un professionnel aguerri doit ainsi avoir conscience de sa position face à l’état de l’art et savoir estimer la charge de travail pour obtenir le résultat escompté.
Nous avons conscience des risques auxquels nous sommes confrontés. L’échappatoire réside dans la transition écologique, et la démocratisation de la permaculture est la solution pour y parvenir. Mais l’organisation actuelle des permaculteurs ne permet pas de la réaliser. Alors développons la structuration professionnelle de la permaculture, organisons-nous en sociétés coopératives et réunissons un maximum de permaculteurs issus de tous les horizons pour changer les choses.
C’est pour défendre cette vision que nous sommes réunis autour de Permacopia. Alors si vous aussi vous partagez cette conception, prenez part au collectif et lancez votre initiative !
Le collectif Permacopia