Quand on discute de permaculture, les fameuses buttes ne tardent jamais à pointer leur nez. En France, la butte de permaculture s’est ainsi érigée en dogme, à tel point qu’elle concentre les intérêts et les interrogations des profanes. Cette fameuse butte, productive à souhait, est devenue un signe de reconnaissance voire un symbole d’appartenance à la tribu permacole. Elle en devient même l’élément central au point de voir parfois la permaculture définie comme étant une technique de culture sur butte…
Pourquoi faire une butte ?
Mais avant de se lancer dans une telle entreprise, il est judicieux de se demander pourquoi faire une butte ? Créer une butte est une dépense d’énergie et de matière organique importante. Si vous débutez dans la culture potagère, il est probablement préférable de commencer avec un potager biologique classique avant de se lancer dans de grands aménagements qui peuvent être à la fois décourageant et parfaitement inutiles voire contre-productifs.
De manière général, les buttes sont plutôt destinées aux régions arides où le sol est trop pauvre pour être cultivé ou, à l’inverse, aux zones trop humides.
Les buttes : un amoncellement d’idées reçues
Mais qu’est-ce que cette soit-disante butte de permaculture dont on entend autant parler ? Peut-être est-ce la technique de lasagne dont parle Bill Mollison dans son livre Permaculture 2 et qui consiste en une alternance de couches azotées et carbonées. Ou plutôt ces élégants schémas en coupe qu’on trouve à profusion sur Internet avec de grandes quantités de bois au centre (Butte-sandwich, forestière, Hugelkultur…). Ce qui est sûr, c’est qu’elles véhiculent des idées reçues.
Idée reçue #1 : économiser de l’eau
D’après leurs promoteurs, ces buttes permettent de limiter l’évaporation de l’eau et donc de presque supprimer l’arrosage. En réalité c’est plutôt l’inverse. La surface d’une butte étant plus importante (à cause de l’effet bombé) et plus exposée au vent que la surface du sol, cela a pour effet d’augmenter l’évaporation de l’eau. Et comme elle est constituée de deux versants, le ruissellement est aussi amplifié en comparaison d’un sol horizontal. Au final, la butte est donc plus sèche. C’est d’ailleurs une des raisons d’être de la culture sur butte, pouvoir cultiver en zone humide en élevant les cultures. Enfin, l’argument de l’arrosage mérite d’être remis en perspective. Un potager avec un sol bien meuble et couvert peut tout aussi bien, sinon mieux, rester frais tout l’été.
Il y a quand même une exception, dans les régions sèches avec un sol très pauvre et drainant, enfouir du bois décomposé, c’est-à-dire dont la lignine a été consommée par les champignons et dont il ne reste que la cellulose, peut aider à réguler l’humidité car la cellulose va agir comme une sorte d’éponge. Mais ces caractéristiques sont très peu répandues en France.
Idée reçue #2 : améliorer la fertilité
Le premier avantage recherché est d’avoir une butte hyper-productive. Mais les mauvaises surprises peuvent être de mises. En effet, les risques de contre-productivité sont réels. La faim d’azote, qui résulte d’un déséquilibre du rapport carbone/azote lorsque les résidus de bois sont en trop grande proportion, altère fortement la croissance des plantes. La décomposition anaérobie, qui se produit quand la matière organique est enfouie trop profondément dans le sol, produit des composés toxiques pour les plantes tel que le méthane. Au contraire, l’humus, principale nourriture des plantes, se forme par décomposition aérobie à la surface du sol.
Idée reçue #3 : augmenter la surface cultivable
La surface d’une butte est légèrement plus importante que son emprise au sol. Nous avons déjà soulevé cet argument à propos de l’évaporation. Mais cette surface supplémentaire est minime. Le seul moyen vraiment valable d’augmenter la surface de culture est de pratiquer la culture étagée.
Idée reçue #4 : ne plus se baisser
Un autre argument régulièrement avancé est que les buttes évitent d’avoir à se baisser. Si c’était le cas, elles devraient être très hautes donc fortement pentues et donc soumises à l’érosion. De plus, les buttes vont rapidement se tasser et le compostage des lasagnes leur fera perdre facilement les 2/3 de leur volume. Si vous avez de réels problèmes pour vous baisser, préférer la culture sur table à celle sur butte.
Commencez par observer
En conclusion, la permaculture est avant tout une démarche permettant de créer un système agricole productif en s’inspirant de la nature. Et dans la nature, la matière organique tombe et recouvre le sol, elle ne se retrouve pas enfouie. Alors ne gaspillez pas votre énergie, ni la matière organique dont vous disposez. A moins de vraiment savoir ce qu’on fait, il est préférable de ne pas enterrer de bois, ni de matière organique en général. Et si vous avez du temps à consacrer à votre jardin, commencez par bien l’observer pour apprendre à le connaitre avant d’entreprendre la réalisation de buttes.
Tout à fait d’accord avec vous ! Marre d’entendre parler de buttes à chaque fois qu’on parle de permaculture. Même les formateurs se sentent obligés d’en parler… Merci pour la prise de recule 🙂